Valentine Reynaud, Y a-t-il des tueurs nés ? (Ed. Eliott)

Essais sur la notion d’ « inné »

Les tueurs ont-ils un penchant inné pour le meurtre ? N’importe qui peut-il commettre un crime au gré des circonstances ? Inversement, certains individus sont-ils par nature des génies ? In fine, nos compétences langagière, perceptive, cognitive, sont-elles prédéterminées par notre ADN ? Nos attitudes et notre conduite morales sont-elles inscrites dans la nature humaine ? Sommes-nous destinés à être les individus que nous sommes ? Et le comportement animal est-il, plus encore que le nôtre, biologiquement programmé ?

Abordant tour à tour ces questions familières, Valentine Reynaud fait voler en éclats les distinctions du langage courant, traquant les différents préjugés associés à l’inné, notion commune dont l’usage est tiraillé entre idéologie et science, entre glorification de la singularité et acceptation de la diversité, entre prédétermination et ouverture au possible.

Ce livre plaide pour une pratique éclairée du terme inné qui rende justice à la richesse des potentiels humains.

Qui est Valentine Reynaud ?

Valentine Reynaud, professeure agrégée et docteure en philosophie, enseigne au Pôle Supérieur de Design du lycée Léonard de Vinci à Villefontaine. Elle est l’auteur de Les idées innées. De Descartes à Chomsky (2018).

Le mot de Valentine Reynaud aux jurés du Prix 2024 :

Chères participantes et chers participants au prix du livre de philosophie,

chères lycéennes et chers lycéens,

Je tiens d’abord à vous remercier pour l’intérêt que vous porterez à mon livre !

Ce livre explore les différents discours utilisant le terme inné – et en particulier les discours scientifiques – et met au jour leurs présupposés et leurs limites. Vous y rencontrerez aussi bien des criminels que des enfants sauvages, des bébés, le peuple Ik, des mouches à quatre ailes, des individus à « haut potentiel », des jumeaux et des singes !

Je suis partie d’une interrogation simple :

pourquoi sommes-nous celui ou celle que nous sommes ? 

Ce questionnement peut se formuler à plusieurs niveaux :

• le niveau de la personnalité individuelle : qu’est-ce qui fait de nous une personne singulière ?  Qu’est-ce qui façonne nos tares ou nos talents ? Sommes-nous les produits de nos gènes ou de notre environnement ?

• le niveau des différences entre les êtres humains : pourquoi sommes-nous à la fois semblables et différents les uns et les unes des autres ? Comment expliquer que, bien qu’ayant eu la même éducation, les enfants d’une même famille soient à ce point différents ? Inversement, à quel point les personnes issues de cultures et d’éducations différentes (ou ayant vécu à des époques différentes) sont-elles similaires et peuvent-elles partager des valeurs communes ?

• le niveau des différences entre les êtres humains et les êtres non-humains (animaux non-humains mais aussi systèmes artificiels dits « intelligents ») : qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ? Qu’est-ce qui caractérise en propre l’être humain par rapport, par exemple, à un grand singe avec lequel il partage la plupart de ses gènes ? Le langage humain est-il si différent du chant d’un oiseau ou d’un langage produit artificiellement ?

A travers ces interrogations, j’aborde plusieurs notions du programme de philosophie de terminale générale et technologique : la science, la nature, le langage, la liberté, la conscience, la justice, le devoir ; ainsi que les deux grandes thématiques du programme d’HLP de terminale générale : la recherche de soi et l’humanité en question.

Chaque chapitre aborde le sujet sous un angle différent et peut se lire de façon indépendante.

J’espère que mon livre vous aidera à prendre conscience de l’épaisseur des mots, de la nécessité d’en démêler les différents sens (grâce à la philosophie !) pour dissiper les malentendus et espérer construire des valeurs communes. J’espère enfin qu’il vous permettra de comprendre qu’un discours sensé se définit par la dose d’humilité et de vigilance qu’il contient. Je terminerai en citant une phrase du philosophe Hume tirée de L’Enquête sur l’entendement humain :

« En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l’homme qui raisonne correctement » (Hume, EEH, XII, Troisième partie, GF, 1983, p.244).