Dans l’espace public et notre quotidien, la colère affiche de multiples visages. Systématiquement discréditée, au point d’être ridiculisée, elle ne cesse pourtant de gronder – et nous redoutons son tumulte. Que faire de nos colères ?
Quand on nous incite à cultiver une attitude docile et à étouffer nos colères, afin de nous rendre plus désirables, c’est au silence que l’on nous habitue, voire au renoncement. Mais pour nous défendre face aux agressions intimes et politiques, comme pour garantir notre liberté, pourquoi ne pas puiser dans ces colères créatrices, celles des artistes et des minorités en lutte pour leur liberté ? Ces colères sont en nous – encore faut-il apprendre à les habiter.
En disséquant cette émotion défendue, Sophie Galabru construit une philosophie émancipatrice et stimulante pour affronter l’intolérable, et propose un manifeste puissant : la colère, loin d’être destructrice ou haineuse, pourrait bien être la clé de notre vitalité.
– Editions Flammarion
Qui est Sophie Galabru ?
Agrégée et docteure en philosophie, professeure de philosophie au lycée et à l’université, les recherches de Sophie Galabru portent notamment sur la phénoménologie, la philosophie du temps et de la narration. Elle a publié en 2020 Le temps à l’oeuvre. Sur la pensée d’Emmanuel Levinas (Hermann).
Le mot de Sophie Galabru aux jurés du Prix 2023
Chères lycéennes, chers lycéens,
La colère fut longtemps une émotion cruciale dans ma vie, mais je ne le savais pas.
C’est très souvent après avoir retenu ma colère que je m’aperçois de sa force et de sa justesse. Je regrette alors de ne pas avoir su lui donner une expression et une réalité dans le monde. Combien de colères ai-je ainsi oubliées, refoulées sinon ratées, particulièrement au temps de mes années lycéennes. C’est en découvrant combien cet affect était irréductible dans l’existence de tout un chacun, mais également le discrédit jeté sur lui, que j’ai décidé de mener l’enquête et de comprendre la généalogie de ce rejet. Pourquoi avons-nous peur de nos colères et de celles des autres ? J’ai voulu raconter l’histoire d’une désapprobation et montrer que si cette émotion se trouve sérieusement rejetée, plus encore en fonction du milieu social, du genre comme de l’âge, c’est en raison de son importance dans l’existence intime et politique. La colère ouvre un chemin pour se connaître, se défendre, créer et oser agir avec d’autres. Élucidée dans ses motifs et ses directions, elle nous aide à savoir ce qui blesse nos désirs profonds ou encore nos valeurs ; elle donne une énergie splendide pour repousser la tristesse et l’injustice. Quoiqu’on la confonde à tort avec d’autres émotions et sentiments, cet essai vise à réhabiliter sa vérité. J’espère que ce livre vous aidera à percevoir la philosophie comme une voie vers la liberté et l’esprit critique. La colère, parce qu’elle provient aussi d’une révolte contre ce qui existe et nous semble insatisfaisant, est en ceci profondément philosophique. C’est cette impression que j’ai immédiatement retirée de mes premiers cours de philosophie.
1 réflexion au sujet de « Sophie Galabru, <i>Le visage de nos colères</i> (Ed. Flammarion) »
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