La démocratie et l’écologie seraient-elles incompatibles ? On entend souvent qu’il y aurait dans l’écologie quelque chose d’élitiste, de contraire aux désirs majoritaires. Ou alors qu’il faudrait, pour prendre le tournant écologique à temps, avoir recours à des méthodes autoritaires, user de la manière forte. Cet essai entreprend au contraire de démontrer que non seulement il n’y a pas de contradiction entre l’écologie et la démocratie, mais que l’une ne va pas sans l’autre. Avant de critiquer ou d’acclamer son gouvernement, le citoyen au sens fort participe activement à la création de ses propres conditions d’existence. Il transforme le monde en le préservant. Il jardine, construit, aménage, s’associe à d’autres, inventant avec la nature comme avec autrui des formes de vie communes. Aux côtés du système représentatif, il y a ou il devrait y avoir un système participatif qui permette à chacun d’entre nous d’« augmenter » le monde.
– Editions Premier Parallèle
Voilà donc l’urgence qui anime ce propos : pour que notre monde ne devienne pas un monde de désolation, nous devons introduire dans l’idée de citoyenneté la production, l’entretien, la préservation et la transmission d’espaces concrets partageables – en somme, la juste occupation de la terre.
Qui est Joëlle Zask ?
Joëlle Zask enseigne au département de philosophie de l’université Aix- Marseille. Spécialiste de John Dewey et de philosophie sociale (une branche de la philosophie assez ignorée en France), elle s’intéresse aux conditions d’une culture démocratique partagée. Ses réflexions l’amènent à plonger dans des domaines aussi différents que ceux de l’éducation, l’agriculture, l’économie, l’art, les politiques publiques et bien sûr l’écologie. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages, dont La Démocratie aux champs (La Découverte, 2016) et, aux éditions Premier Parallèle, Quand la forêt brûle (2019) et Zoocities (2020).
Le mot de Joëlle Zask aux jurés du Prix 2023
Chères Lycéennes et chers Lycéens,
merci de votre intérêt pour mon livre, partager avec vous mes préoccupations compte beaucoup pour moi. Vous héritez d’un monde abîmé et votre rôle pour le remettre sur ses pieds est considérable. Je vous écris pour vous dire qu’à mon avis, afin de préserver nos chances de vie sur terre, il nous faut compter non sur « ceux d’en haut », mais sur « ceux d’en bas » ; non sur les élites, les gouvernements, les pays, les peuples, les ethnies, ou quelque autre entité collective, mais sur chacun d’entre nous, pris individuellement. Je pense qu’il est inutile et même dangereux d’attendre un grand Sauveur capable de frapper un grand coup du poing sur la table, qui n’existe pas en fait. L’important, du point de vue à la fois de l’écologie et de la démocratie que j’ai voulu nouer ensemble, c’est que chacun compte pour un. C’est ainsi que la nature est faite : chaque être a quelque chose en propre que son environnement, quand il est « écologique » justement, lui permet de déployer. Mais c’est aussi ainsi que la démocratie est ou devrait être faite : chacun compte pour un. Sauf dans certains cas bien précis, personne ne peut se substituer à vous; chacun vote, un par un, peut émettre un avis, peut candidater à une fonction politique. Mais surtout, chacun peut apporter à la communauté à laquelle il est lié quelque chose qu’il est seul à posséder. Je suis toujours frappée par la diversité des points de vue, des expériences, des compétences qui sont celles des gens quand ils s’expriment honnêtement, sur le terrain de leur vie personnelle, et aussi par la virtuosité avec laquelle ils ou elles vous expliquent ce qu’ils savent. C’est de cela dont j’ai voulu parler dans mon livre. Cela place beaucoup de responsabilité sur les épaules de chacun, mais cela donne aussi, j’espère, de la force, de l’énergie, de l’espoir.