Chirurgie esthétique, césarienne sur demande, contraception définitive pour raison environnementale, aides médicales à la procréation, etc. De telles demandes, lorsqu’elles ne sont pas liées à des maladies et qu’elles choisissent la médecine pour s’accomplir, forment ce que l’auteur appelle la « médecine des désirs ». Un ensemble de pratiques et de techniques encore difficilement acceptées par la communauté médicale et les sociétés même démocratiques. Or au nom de quoi les exclure de la médecine? Dans cet ouvrage, l’auteur, philosophe de la médecine et éthicien à l’hôpital, construit et défend une conception minimaliste de la médecine : une éthique basée sur un seul principe régulateur, le respect de l’autonomie individuelle. C’est aux seuls individus de décider des fins de leur existence et des moyens pour les atteindre. La médecine doit être au service des hommes.
Qui est Guillaume Durand ?
Guillaume Durand est philosophe de la médecine et éthicien à l’hôpital. Il est maître de conférences en philosophie à l’université de Nantes, co-responsable du Master Éthique, membre de la Consultation d’éthique clinique du CHU de Nantes et du Pôle Hospitalier mutualiste Jules Verne, président de l’association EthicA.
Ses recherches portent sur la bioéthique, l’éthique médicale et clinique. Il est coordinateur de nombreuses recherches en éthique clinique sur le don d’organes, la limitation et l’arrêt des traitements en réanimation pédiatrique ou encore l’interruption médicale de grossesse.
Dans La médecine des désirs, Guillaume Durand construit et défend une conception minimaliste de la médecine : une éthique basée sur un seul principe régulateur, le respect de l’autonomie individuelle. C’est aux seuls individus de décider des fins de leur existence et des moyens pour les atteindre. La médecine doit être au service des hommes.
Le mot de Guillaume Durand aux jurés du Prix 2024 :
Je suis un philosophe de terrain. Et mon terrain, c’est l’hôpital. Depuis une dizaine d’années, je participe activement en France à des Consultations d’éthique clinique – je dirige celle de l’hôpital de Saint-Nazaire – qui ont pour but d’aider les soignants et les patients confrontés à des situations difficiles : demandes d’interruptions médicales de grossesse suite à la découverte d’une pathologie fœtale, arrêt ou limitation des traitements vitaux, abord des proches en vue d’un prélèvement d’organes, etc.
Certaines demandes adressées aux professionnels de santé sont tout à fait remarquables : chirurgie esthétique, césarienne programmée sans indication médicale, contraception définitive pour raison environnementale, aides médicales à la procréation pour des personnes fertiles, etc. Ces demandes, lorsqu’elles ne sont pas liées à des maladies et qu’elles choisissent la médecine pour s’accomplir, forment ce que j’appelle la « médecine des désirs » : un ensemble de pratiques et de techniques encore difficilement acceptées par la communauté médicale et les sociétés même démocratiques. Or au nom de quoi les exclure de la médecine ? S’agirait-il d’une « dérive » de la médecine ? Mais y a-t-il une essence de la médecine ? Quelles sont les fins de la médecine et qui doit décider de ces dernières ?
Dans cet ouvrage, je tente de répondre aux principales objections contre la médecine des désirs : la médecine devrait seulement lutter contre les maladies ; la médecine poursuivrait des fins essentielles, non négociables ; les patients de la médecine des désirs ne seraient pas autonomes ; la médecine des désirs serait injuste.
J’examine, je réponds à ces objections et je tente de construire, à partir de cas concrets rencontrés sur le terrain médical, une éthique minimaliste ou minimale de la médecine qui repose en définitive sur un seul et unique principe : le respect de l’autonomie individuelle.
Je soutiens que cela devrait être aux seuls individus, dans une démocratie laïque et pluraliste, de décider des fins de leur existence et des moyens pour les atteindre. Lorsque la médecine, par ses savoirs et ses techniques, peut les aider dans cette quête, voire dans certains cas constitue le seul moyen de réaliser leurs fins, la médecine et ses professionnels, dans certaines conditions, est bien dans son rôle.
L’ouvrage est composé de sept chapitres : dans le premier, j’examine la thèse selon laquelle la médecine aurait une essence et une morale liée de manière indissociable à cette dernière. Dans le second, je tente de définir précisément l’autonomie du patient, sa signification pour la bioéthique et en particulier l’éthique clinique, ainsi que les principaux outils qui nous permettent, sur le terrain médical, de l’évaluer. Dans le troisième, je pose les bases d’une éthique minimaliste basée, à la différence de celle défendue notamment par le philosophe R. Ogien[1], sur le seul principe d’autonomie. Les quatrième, cinquième et sixième chapitres explorent les implications de cette éthique minimaliste dans différents champs de la médecine des désirs : les principales techniques d’assistance médicale à la procréation qui semblent s’opposer aux valeurs traditionnelles de la famille et de la dignité de la personne humaine (chapitre 4), les techniques génétiques qui visent à créer un enfant sur mesure (chapitre 5), la médecine esthétique et en particulier les demandes de nymphoplastie (chapitre 6). La septième et dernière partie tente de répondre à deux objections majeures et ultimes : un monisme moral est-il tenable ? Comment penser cette exigence morale qu’est la justice ?
L’objectif de ce livre n’est pas de faire la promotion de la médecine des désirs, mais simplement de porter à l’examen critique les arguments, en particulier éthiques, qui ont conduit à la condamner avec la plus grande fermeté et de montrer leur fragilité voire leur nullité.
[1] R. Ogien, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, Folio/Essais, 2007.