Anne Alombert, Schizophrénie numérique (Ed. Allia)

Depuis l’émergence de l’informatique et de la cybernétique à la fin des années 50, jusqu’aux smartphones et autres objets connectés qui caractérisent aujourd’hui nos sociétés, les technologies numériques ont désormais envahi toutes les sphères de l’existence. Nous n’avons pas encore pris la pleine mesure d’un tel bouleversement. À l’inverse, le modèle industriel de la Silicon Valley s’est imposé, à travers des dispositifs que leurs créateurs eux-mêmes ne semblent plus maîtriser. Alors que les discours transhumanistes ne jurent que par les progrès exponentiels des “machines intelligentes” ou de la “réalité virtuelle”, on ne compte plus les études scientifiques décrivant la nocivité des écrans, les dangers des réseaux sociaux ou les limites des calculs algorithmiques.  Les dispositifs numériques fondés sur la collecte massive de données et la captation des attentions des usagers ont aujourd’hui donné lieu à toutes sortes de psychopathologies qui semblent menacer les capacités de mémoire, de réflexion et d’imagination. Et si le mythe de l’intelligence artificielle servait à dissimuler l’automatisation de nos facultés de pensée ?

Il est aujourd’hui urgent d’abandonner la métaphysique transhumaniste qui identifie le cerveau à l’ordinateur et assimile l’esprit à un traitement de données, mais il ne peut s’agir pour autant de retomber dans une opposition classique entre l’humain et la machine. Bien au contraire : nos esprits ne sont pas dans nos têtes ou dans nos neurones, ils circulent entre les individus et les générations, à travers des milieux toujours à la fois techniques, symboliques et sociaux. D’où l’importance de prendre soin de nos milieux numériques et de ne pas laisser une poignée d’acteurs hégémoniques et privatisés s’en emparer. D’où la nécessité, autrement dit, de transformer les technologies qui contrôlent nos cerveaux connectés, en des technologies réflexives et contributives, susceptibles de faire communiquer nos esprits. Bref, il est temps de faire du numérique une question politique.

Qui est Anne Alombert ?

Anne Alombert est Maître de conférences en philosophie française contemporaine à l’Université Paris 8.
Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, elle est agrégée de philosophie et auteure d’une thèse de philosophie intitulée Derrida et Simondon face aux questions de l’humain et de la technique : ontogenèse et grammatologie dans le moment philosophique des années 1960.
Ses recherches portent sur la question des rapports entre vie, technique et esprit dans l’histoire de la philosophie, ainsi que sur les enjeux anthropologiques des transformations technologiques contemporaines.
À la croisée de l’histoire de la philosophie et des enjeux actuels, ses travaux s’orientent dans deux directions complémentaires :
– penser les enjeux anthropologiques, sociaux, épistémiques et politiques de la question de la technique dans la philosophie française contemporaine (notamment dans les travaux de H. Bergson, G. Canguilhem, G. Simondon, A. Leroi-Gourhan, J. Derrida et B. Stiegler),
– penser les enjeux sociaux, politiques et épistémiques des technologies numériques contemporaines, à partir d’une perspective organologique (qui envisage les rapports entre organismes vivants, organes techniques et organisations sociales).
De 2016 à 2020, elle a participé à la conception et l’élaboration du programme de recherche contributive « Plaine Commune Territoire Apprenant Contributif » dirigé par le philosophe Bernard Stiegler, dans le cadre de l’association Ars Industrialis. Elle est co-auteure du livre Bifurquer, co-écrit avec Bernard Stiegler et le collectif Internation.

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