Thibaut Sallenave, Petit traité de la ponctualité (Éditions de l’aube)

La ponctualité n’est pas seulement le respect des horaires. Elle est souvent crainte de ne pas être attendu, obsession de maîtriser, voire de devancer le temps. À l’ère de l’instantané, notre société se veut flexible mais elle impose d’être réactif sur les réseaux sociaux, de guetter les occasions, de marcher dix mille pas par jour… Comme si le temps était compté, comme s’il fallait le saisir avant qu’il ne soit trop tard. Et s’il y avait une autre ponctualité ? Chercher l’heure juste plutôt que l’heure exacte, ce serait enfin retrouver le temps de l’autre, des deuxièmes chances, du soi. Et répondre à ce qui vraiment nous presse d’agir : la détresse de ceux qui ont besoin de nous, l’urgence écologique, la nécessité d’espérer dans un monde que l’accélération semble avoir privé de sens.

Qui est Thibaut Sallenave ?

Thibaut Sallenave, ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, agrégé de philosophie, est docteur de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et enseigne en classes préparatoires.

Le mot de Thibaut Sallenave aux jurés :

« Être à l’heure, toujours à l’heure. Nous apprenons très tôt à honorer nos engagements, à ne pas manquer un rendez-vous, à arriver à l’avance pour ne pas rater notre train, notre avion… ou le début des cours. Notre existence, rythmée par le temps mesuré des montres et des calendriers, ne peut éviter de se soumettre à ses contraintes et ses devoirs. »Être à l’heure, toujours à l’heure. Nous apprenons très tôt à honorer nos engagements, à ne pas manquer un rendez-vous, à arriver à l’avance pour ne pas rater notre train, notre avion… ou le début des cours. Notre existence, rythmée par le temps mesuré des montres et des calendriers, ne peut éviter de se soumettre à ses contraintes et ses devoirs.

Mais la ponctualité est souvent, derrière la vertu apparente de l’exactitude, angoisse plus profonde de ne pas être attendu ou de se retrouver dans la situation embarrassante du retard. Souvent vaine ou exagérée, elle témoigne d’un malaise plus profond à l’égard du temps et à l’égard des autres. L’obsession de maîtriser le temps, voire de le devancer, n’est-elle pas le symptôme d’une difficulté à l’habiter pleinement ?

C’est particulièrement le cas des formes contemporaines de la ponctualité, qui nous imposent de répondre chaque jour à des objectifs de performance, dans la vie professionnelle, familiale, et même à l’égard de nous-mêmes. Certes, notre époque ne cesse de vanter la flexibilité, le culte de l’improvisation et du last minute.  Mais en nous obligeant à la réactivité (répondre aux emails, aux informations, à l’actualité, maintenant, tout de suite), elle nous enferme dans une instantanéité frénétique, voire tyrannique. Réagir à chaque instant, saisir les opportunités, ne pas manquer les occasions, comme si toute notre expérience du temps se résumait à le compter, avant qu’il ne soit trop tard.

Mais n’y a-t-il pas une autre ponctualité ? Une autre relation aux montres, aux écrans et aux horloges, qui ne chercherait pas tant à être à l’heure exacte qu’à l’heure juste ? Celle-ci ne consisterait plus à devancer le temps, mais à répondre positivement à l’injonction de le vivre, pleinement et authentiquement, sans autre hâte que de tirer parti des virtualités qu’il recèle. Au milieu du quotidien, savoir reconnaître un temps avec l’autre, un temps de l’autre et peut-être un temps autre, qui demande qu’on se rende disponible à lui. Et qui sait aussi, à l’occasion, ne pas faire attendre ce qui réellement nous appelle à agir : la détresse de ceux qui ont besoin de nous, l’urgence écologique, la nécessité d’espérer et de faire espérer, malgré tout, dans un monde que l’accélération technologique, sociale, politique, semble avoir privé de tout sens. »

Pour découvrir Thibaut Sallenave

La procrastination, l’art de remettre au lendemain (France Inter, Grand bien vous fasse)

La ponctualité (RTS)